Marcos Pitti, guide au Costa Rica : Le voyage en partage

Pour ce natif de San José passionné par l’histoire de sa ville, rien ne vaut l’expérience et le regard d’un local pour s’imprégner d’un lieu, d’un quartier, d’une culture. Depuis ses premiers pas de guide amateur auprès de voyageurs hébergés chez lui, le loisir est devenu plus qu’un métier, une passion. Marcos Pitti et son équipe lui donnent du sens en proposant des visites, des rencontres et des expériences authentiques avec deux objectifs : prêter leurs yeux de Josefino* aux voyageurs et faire de San José plus qu’un « arrêt obligatoire ».

 

marcos pitti

 

Bonjour Marcos. Tout d’abord merci, au nom de la COTAL et des fidèles lecteurs de ses Cahiers, d’avoir accepté de partager avec nous votre expérience de spécialiste du Costa Rica. En préparant cet entretien, j’ai appris que vous parliez quatre langues. Pouvez-vous nous raconter comment vous les avez apprises ?

Merci à vous de me donner la parole ! Je suis né et j’ai grandi à San José. J’ai eu la chance d’y bénéficier d’une éducation bilingue « anglais-espagnol » pendant toute ma scolarité, mais aussi de suivre trois années de cours de français à l’école. J’avais seulement 40 minutes d’enseignement par semaine, mais cela m’a suffi pour m’intéresser de près à cette langue. Plus tard, quand j’ai commencé à travailler, j’ai financé mes études à l’Alliance française de San José avec mes premiers salaires. Après quatre ans, j’ai achevé tous les niveaux et réussi le DELF (soit diplôme élémentaire de langue française) B2. Quelques années plus tard, j’ai vécu durant cinq mois aux États-Unis avec un groupe de Brésiliens qui ne parlaient ni anglais ni espagnol. J’ai appris les bases du portugais avec eux, et décidé d’étudier cette langue quelques mois de plus après mon retour au Costa Rica.

 

Comment êtes-vous devenu guide ? Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans cette activité ?

Ça n’avait vraiment rien de planifié. C’est plutôt quelque chose qui a évolué jusqu’à devenir ma passion. J’ai suivi des études universitaires en publicité, ce qui n’a rien à voir avec le tourisme même si j’ai toujours rêvé de voyager. Étudiant, alors que je vivais encore avec mes parents, j’ai découvert le site CouchSurfing. Le principe de ce réseau social, c’est d’accueillir gratuitement des backpackers, pour le seul plaisir de partager avec eux. Pour moi, qui avais 20 ans et pas d’argent pour voyager, c’était une formidable opportunité d’échanger avec des gens d’autres nationalités autour de leurs histoires de voyages. Et comme j’avais toujours eu un intérêt particulier pour l’histoire de ma ville, j’ai commencé à faire découvrir ma ville aux voyageurs hébergés chez nous. C’est comme ça que j’ai commencé, de manière empirique, à servir de guide.

Quelques années plus tard, j’ai finalement eu l’opportunité de voyager un peu. Avec l’aide de CouchSurfing, j’ai fait un périple de deux mois à travers l’Europe occidentale. J’ai pris conscience de l’importance d’avoir un « ami » local pour bien connaître une ville, mais aussi réalisé que le tourisme urbain, qui existait dans toutes les villes que je visitais, n’avait pas d’équivalent chez moi au Costa Rica. En rentrant à San José, en 2013, j’ai donc créé mon propre business (NDLR : Carpe Chepe). C’est à ce moment-là que j’ai compris que je pouvais faire de ce que j’aime un travail, alors j’ai entamé des études pour devenir guide professionnel. Après avoir obtenu l’accréditation de « Guide généraliste », j’en ai reçu une deuxième comme « Guide naturaliste ».

 

Marcos Pitti Volcan Tenorio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aujourd’hui, quel est votre principal objectif lorsque vous faites découvrir San José aux visiteurs ?

San José, c’est ma ville. C’est dans ses rues que j’ai grandi et c’est son histoire qui m’a donné l’envie d’être guide. Mon objectif, c’est donc que les touristes découvrent ma ville et mon pays à travers le regard et les expériences que seul un local peut leur transmettre. J’insiste beaucoup sur la dimension culturelle, qui est très importante pour moi : tout le monde connaît le Costa Rica pour ses richesses naturelles et son tourisme vert, mais je pense que nous devons aussi travailler à mieux partager nos richesses culturelles avec les visiteurs.

 

Qu’est-ce qui vous plait et vous motive le plus dans votre métier ?

Apprendre pour partager. Quand je suis devenu guide touristique, j’ai trouvé mon ikigai (NDLR : ce mot japonais sans véritable traduction française correspond au sens de la vie, à ce qui fait se lever le matin avec enthousiasme). C’est quelque chose qui me passionne et qui me permet aujourd’hui de transmettre l’importance de protéger la planète, de s’intéresser aux autres peuples et à leur culture pour apprendre d’eux comment vivre en harmonie avec l’environnement. Y compris en ville, où la nature doit avoir toute sa place.

 

Quel est le lieu, le quartier que vous préférez faire découvrir ?

À San José, je recommande toujours de visiter le Barrio Escalante, plutôt l’après-midi ou le soir. C’est un quartier dont les entreprises ont compris la nécessité de se regrouper pour faire face à leurs problèmes communs. Elles ont donc créé une association centrée sur la restauration, et qui a fait de Barrio Escalante la principale destination gastronomique de la capitale. J’ai beaucoup d’admiration pour ce projet parce qu’il est un exemple de la façon dont le commerce a la capacité de maintenir un quartier animé, vivant et sûr. La nuit, les gens se baladent entre les magasins et s’approprient les espaces publics, contribuant à leur sécurité. Le Mercado Central est aussi l’un de mes lieux préférés dans la capitale, surtout pour déguster la meilleure comida de la calle. Chaque stand a sa spécialité et elles méritent toutes d’être goûtées. Mais au-delà de la dégustation, je suis convaincu que, dans chaque ville, visiter le marché est un excellent moyen de vivre une expérience culturelle authentique !

 

Marcos Pitti - pico blanco

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment envisagez-vous votre métier et comment faites-vous pour lui donner du sens ?

Je crois au tourisme durable et à sa capacité à mieux distribuer la richesse. Bien géré, il peut aider à améliorer une ville et à y créer des emplois. C’est pour cette raison que j’ai fondé Carpe Chepe en 2013, avec l’ambition de proposer du « partage » à travers différentes expériences : la gastronomie, la bière artisanale, le café local, tout ce qui est mêlé à l’histoire… Au Costa Rica, le tourisme s’est réinventé depuis déjà quelques années. Le voyage n’y est pas un bien de consommation comme un autre, et j’essaie à mon niveau de développer cette approche responsable.

 

Vous pensez que le voyage va continuer d’évoluer et devenir plus vertueux ?

Nos itinéraires à San José rencontrent du succès alors même qu’ils s’inscrivent dans une démarche durable : ils se déroulent à pied pour la plupart et ont pour vocation de valoriser l’économie, les traditions et les initiatives locales. Nous avons déjà permis à plus de 17 000 personnes de quitter la capitale du Costa Rica en connaissant ses merveilles cachées et sa richesse culturelle plutôt que de la considérer comme un simple arrêt obligatoire au début et à la fin de leurs vacances. Évidemment, la période actuelle est particulière, et l’entreprise a malheureusement dû suspendre ses activités en raison de la crise du Covid-19. Mais nous espérons pouvoir reprendre nos circuits dès que le tourisme aura repris à un bon rythme. Plus enthousiastes et motivés que jamais à l’idée de retrouver les visiteurs étrangers après cette longue séparation !

* En espagnol, les habitant.e.s de San José sont appelés Josefinos et Josefinas.Habitant de San José (Josefino, Josefina)